Stratégies Logistique n° 174
Nouvelle subordination

Un arrêt de la Cour de cassation [1] vient de requalifier en contrat de travail la relation d’un coursier sous statut d’indépendant avec une plateforme numérique de livraison. La Cour ayant constaté l’existence d’un lien de subordination à l’employeur, résultant des conditions d’utilisation d’un système de géolocalisation, a censuré le raisonnement de la cour d’appel de Paris.
Cette dernière avait rejeté la demande de requalification déposée par le coursier, au motif qu’il « n’était lié à la plateforme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence, et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler, ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler ».
Dans un premier temps, le modèle économique de la plateforme, bâti, comme bien d’autres, de façon à éviter la requalification, a donc bien fonctionné. Car les éléments caractérisant habituellement un lien de subordination dans le petit monde de la course ou du transport express n’étaient pas réunis en l’occurrence.
Il convient de se souvenir qu’il y a quelques années, après une décision de requalification, certains expressistes avaient demandé à leurs sous-traitants livreurs de devenir des « loueurs de véhicules avec conducteurs ». Car les contrats de prestation de ces loueurs intégraient de façon native la mise à disposition exclusive du livreur et de son véhicule au donneur d’ordre.
La Cour de cassation ne met pas la technologie en cause, mais censure son utilisation dans le contournement du Code du travail.
Les chartes d’utilisation des plateformes à l’usage des coursiers ont généralement été rédigées de façon à éviter ces écueils historiques. Mais la Cour de cassation vient d’ajouter une cause de requalification inédite liée aux conditions d’utilisation d’une nouvelle technologie, en l’occurrence un système de géolocalisation, dès lors qu’elle est utilisée à des fins de « direction et de contrôle de l’exécution de la prestation du livreur ». Nouvelles technologies, nouvelles subordinations ; reste que ce n’est pas la technologie qui est mise en cause, mais bien son utilisation dans une démarche de contournement du Code du travail. La cour d’appel de Paris devra rejuger l’affaire à l’aune de l’arrêt de la Cour de cassation.
Il est difficile de dire aujourd’hui combien de plateformes en ligne dédiées à la livraison auront à revisiter leur modèle économique. Mais toutes vont devoir y regarder de près. Car une requalification s’applique à partir du moment où le contrat a été conclu. Elle entraîne donc l’exigibilité des taxes et cotisations dues sur les salaires…
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Sommaire
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- 3 Edito
- Stratégie
- 8 Développement durable
- 10 En mouvement
- 12 Entreprise
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- 44 Prestataires
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Dans une décennie qui aura bouleversé le monde de la prestation logistique, 2018 s’est inscrite dans une continuité. La croissance des gros acteurs n’affolera probablement pas les compteurs, mais elle paraît solide. E-commerce, digitalisation, consolidation, nouveaux entrants et grands projets : on fait le point.
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- 77 Chariots de manutention
- 86 Index des sociétés
[1] Voir notre article page 10.