- La part modale du ferroviaire, dans les transports terrestres de fret en France, devrait s’élever à 10,5 % au mieux, en 2023.
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L’objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030 s’éloigne. La discontinuité de Fret SNCF, la coupure de liaison avec l’Italie, ou encore le ralentissement économique freinent la reprise du rail. Les investissements envisagés pour le fret ferroviaire dans les CPER 2023-2027 laissent quelques espoirs.
Tour à tour, les intervenants de la 13ème Rencontre du fret ferroviaire et des OFP ont expliqué fin novembre, pourquoi la part modale du rail devrait baisser en 2023. Un coup d’arrêt après les hausses enregistrées en 2021 et 2022 qui ont hissé le ferroviaire à près de 11 %, dans les transports terrestres de fret en France. Au mieux, cette part devrait se contracter de 0,5 point, selon Jean-François Longeot, président de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat. De con côté, Clément Beaune a listé les événements expliquant ce repli annoncé. « Les mouvements sociaux lors de la réforme des retraites, l’augmentation des coûts de l’énergie et l’éboulement en vallée de Maurienne », ont été les premiers cités par le ministre délégué en charge des Transports. Pour Nestlé Waters, par exemple, « l’arrêt des circulations entre la France et l’Italie représente 4 trains par semaine », transférés sur la route. Jean-François Lagane, responsable des projets ferroviaires du groupe agroalimentaire, a évalué à 200 le nombre de trains reportés vers la route, jusqu’à la remise en service de la ligne (soit 6 600 camions environ). Selon Clément Beaune, le retour à la normale de la liaison interviendrait d’ici octobre 2024.
La discontinuité de Fret SNCF inquiète
Également président de la commission ferroviaire de l’AUTF, Jean-François Lagane a souligné aussi « le ralentissement économique », parmi les causes du repli du rail. En plus de diminuer les volumes à transporter, cette conjoncture accroit la concurrence entre les modes « et les prix routiers sont plus compétitifs », selon lui. Résumé par David Valence, président du Conseil d’orientation des infrastructures, et par Jean-Marc Zulési, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable à l’Assemblée nationale, la discontinuité ou la disparition de Fret SNCF sous sa forme actuelle, est un élément « de déstabilisation du marché », en outre.
Petit retour en arrière pour le comprendre. En 2022, Fret SNCF détenait une part de 50 % sur le marché du fret ferroviaire en France (en tonnes-km), et de 70 %, en ajoutant ses filiales sous statut privé (Captrain, Ecorail Transport, Naviland Cargo, Normandie Rail Service). Aussi, l’obligation faite à Fret SNCF de se séparer de 23 lignes, conformément à l’accord conclu avec la Commission européenne, « crée de l’incertitude », a affirmé David Valence.
Enquête en cours
Aux yeux de nombreux débatteurs, ce « transfert » interpelle au regard de l’objectif de doublement du trafic fret ferroviaire d’ici 2030. Pour mémoire, l’une des conditions de ce doublement est un triplement des trafics combinés rail-route. Or la vingtaine de services que Fret SNCF « est invité » à céder, est composée de trains complets industriels et combinés pour l’essentiel.
Les craintes sur l’avenir de l’opérateur ferroviaire historique et des trafics concédés ont d’ailleurs été au cœur des auditions de l’AUTF et de ses membres, dans le cadre l’enquête en cours sur la libéralisation du fret ferroviaire. Cette dernière est instruite par l’Assemblée nationale sous la présidence de… David Valence. Pour les chargeurs, « la perspective d’une déstabilisation de l’opérateur historique, encore prépondérant, mais aussi de tout le marché, inquiète. En théorie, cela pourrait être une opportunité pour les opérateurs ferroviaires privés, mais quelle sera leur capacité financière à reprendre les flux abandonnés et développer les nouveaux services tant attendus ». D’après Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe, qui chapeaute les activités fret et logistiques ferroviaires du groupe SNCF, deux-tiers des lignes à céder auraient trouvé preneurs, sans préciser les conditions de cette reprise.
Motifs d’espoir et points en suspens
L’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire, menée par l’Assemblée nationale, devrait rendre ses conclusions fin 2023, début de l’année prochaine. Lesquelles pourraient croiser plusieurs constats, plus positifs, sur l’évolution du fret ferroviaire. A commencer par les investissements négociés, actuellement, dans les volets Mobilités des Contrats de plan Etat-Régions 2023-2027. « Il y a des engagements forts pour le fret ferroviaire », a confié Clément Beaune. Une quarantaine de projets de lignes fret capillaires (sur un réseau national de 140 lignes), serait déjà identifié, par exemple, avec un budget de 500 M€ jusqu’en 2027, selon Pascal Mazetaud, chargé du développement Fret au sein de SNCF Réseau. D’après, Vincent Ferstler de la DGITM, « 54 % des mesures de la Stratégie nationale du fret ferroviaire » seraient mises en œuvre, en outre. Elles concernent, principalement, des aides à l’exploitation (à la pince, aux wagons isolés, aux installations terminales embranchées, nouveaux certificats d’économie d’énergie…).
D’autres actions autour du Schéma directeur des plateformes combinées, les autoroutes ferroviaires ou de la gestion du réseau et de ses sillons font encore l’objet d’arbitrages semble-t-il. Tout comme l’autorisation de circuler à 46 tonnes pour les pré et post acheminements aux trafics combinés attendue, notamment, par les chargeurs. Pour planifier les actions sur le moyen et le long terme, tous les intervenants ont demandé « une loi pluriannuelle sur le fret ferroviaire ».
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