- Adobestock
Upply dresse le bilan d’une année 2024 difficile pour les transporteurs, plombée par l’économie européenne atone qui tire les prix vers le bas et pénalise leurs marges et leur capacité à investir dans la décarbonation.
La plateforme digitale Upply publie son bilan 2024 du transport routier européen et revient sur le lourd impact d’une activité économique médiocre et du contexte géopolitique sur la rentabilité des entreprises. Selon Upply, la prévision par la Commission européenne d’une croissance du produit intérieur brut limitée à 0,9% dans l’Union européenne (UE) et à 0,8% dans la zone Euro en 2024, a engendré une demande de transport routier toujours faible qui tire les prix vers le bas et pénalise la marge des transporteurs. Si Upply pointe du doigt le déclin particulièrement préoccupant du marché Allemand, la bourse de fret considère que la situation française reste également compliquée. « En France, la situation est plus favorable avec une perspective de croissance légèrement supérieure à la moyenne européenne. Il s’agit cependant d’un résultat à nuancer. La croissance a surtout bénéficié d’un effet « Jeux Olympiques » qui a permis d’atteindre +0,4% au 3è trimestre, contre + 0,2% au premier et au deuxième trimestres. Mais le dernier trimestre devrait se solder par une croissance nulle. De plus, ces chiffres positifs ne seraient portés que par la consommation des ménages. Après avoir déjà reculé de 1,8% au cours des trois trimestres précédents, l’investissement des entreprises a enregistré son quatrième trimestre consécutif de baisse, chutant de 1,4% sur le seul troisième trimestre 2024 », observe William Béguerie, expert du TRM pour Upply. En outre le contexte politique français particulier de 2024, le déficit public de plus de 6% du PIB ou encore l’absence, à date, de budget pour 2025 ont fortement contribué à la dégradation du marché du transport routier.
Des taux de fret routier en chute libre
- Upply
« La situation européenne pèse lourdement sur l’activité des transporteurs routiers. Les entreprises des pays de l’Est ont été durement affectées par le marasme de l’économie allemande, qui a affaibli la demande. Ils se tournent donc vers d’autres marchés, suscitant une concurrence féroce qui rejaillit sur les prix de transport », analyse Upply. Son indice des taux de fret routier en Europe, qui s’établit à 122,4 points au troisième trimestre 2024 sur le marché spot, a chuté de 4,4 points par rapport au trimestre précédent et de 6,1 points en glissement annuel. Parallèlement, l’indice des taux de fret routier sur le marché contractuel est resté stable en glissement trimestriel à 127,2, mais il s’est replié de 2,2 points en glissement annuel. Selon Upply, un seul facteur a été favorable aux entreprises de transport en 2024 : la baisse des prix du carburant, liée à la diminution des prix du pétrole.
Des coûts à la hausse
En revanche, les coûts de personnels des entreprises de transport ont considérablement augmenté depuis deux ans. En France, selon le dernier bilan 2024 du CNR des coûts du TRM, les coûts du personnel de conduite affichent une croissance de 7,5%. En Allemagne le salaire minimum des conducteurs a augmenté 3,42% au 1er janvier 2024 et une nouvelle hausse de 3,3% est prévue au 1er janvier 2025. En Pologne, selon une enquête de l’Institut polonais du transport routier, le salaire de base moyen des chauffeurs routiers a augmenté de près de 17% par rapport à 2022. De plus, selon le CNR, l’évolution des coûts du transport routier de marchandises hors carburant s’élève en moyenne annuelle à +5,5% en France. Outre les coûts de personnel de conduite, les hausses concernent les coûts de structure (+5%), les coûts de détention de matériel (+3,5%) ou bien encore le relèvement des tarifs de péages (+3%). En conséquence, le cabinet d’étude Altarès a comptabilisé 1339 défaillances d’entreprises de transport de marchandises en France, soit une hausse de 37,8% en glissement annuel.
- Upply
Consolidation entre grands groupes
Selon Upply, bien que les petites entreprises souffrent davantage et qu’une course à la taille critique puisse être une solution pour résister à la pression à la baisse exercée par les grands chargeurs sur les prix, la sérieuse crise que traverse le transport routier européen ne semble pas activer pour l’instant une vague massive de consolidation, même si quelques grosses entreprises de transport routier ont procédé à des acquisitions ciblées. Le match se joue plutôt au niveau des grands groupes de transport et de logistique multi-activités. Ainsi les grands transporteurs maritimes ont continué leurs achats dans le transport terrestre. En janvier, Hapag Lloyd a racheté ATL, une société de transport britannique de 120 camions. Par ailleurs, CMA CGM a finalisé en février le rachat de Bolloré Logistics. Même si la principale activité de Bolloré Logistics est la commission de transport maritime et aérien, la transaction apporte également des activités d’entreposage et représente une belle porte d’entrée sur le transport terrestre européen. Dans un autre registre, Sennder a signé un accord d’une valeur de 1 milliard d’euros pour acquérir l’activité de transport terrestre européen (EST) de C.H. Robinson, ce qui devrait faire de Sennder l’un des cinq principaux acteurs du transport de lots complets en Europe. Enfin, l’opération majeure de l’année en Europe reste le rachat de DB Schenker par DSV pour 14,3 milliards d’euros, transaction qui devrait être finalisée en 2025. Le chiffre d’affaires cumulé des branches transport routier de DB Schenker et DSV s’élève à 13,8 milliards d’euros.
La décarbonation victime du contexte
Dans ce contexte Upply observe les conséquences des difficultés économiques des entreprises sur leur capacité à décarboner leurs flottes. « L’adoption des véhicules zéro émission par le marché est considérablement freinée par le différentiel de coût entre un véhicule diesel et un véhicule électrique, et l’érosion des marges en 2024 complique encore un peu plus l’équation », indique Upply. En Europe le nombre d’immatriculations de camions électriques à batterie a atteint 5510 unités, en baisse de 6,6%. La France arrive en 2è position derrière l’Allemagne avec 857 immatriculations, mais cela représente un déclin de 58,4% en glissement annuel. « La réglementation est là, les exigences des chargeurs aussi, mais l’évolution des prix du transport routier montre que la rémunération actuelle des services de transport routier ne permet par la réalisation d’investissements à la hauteur des ambitions affichées », commente Upply.